Par Alvin Gereral
Lacrim est un personnage qu’on ne présente plus. Artiste aux mille facettes, producteur et maintenant acteur, il s’est fait seul, une place de renom dans le rap francophone, au point de devenir une figure incontournable.
Son dernier album, composé de 20 titres (il est présent sur 18 d’entre eux) « Force et Honneur » est sorti le 31 Mars dernier.
Certifié disque d’or en 3 jours, l’artiste dont la discographie est de plus en plus impressionnante a accordé une interview à Inter-Peura au cours de laquelle il aborde sa relation avec le game, son futur dans l’industrie du disque et son album en profondeur et sans détour.
Disque d’or en 3 jours, tu plie la concurrence comme jamais. Quel effet ça fait de n’avoir jamais subi la dictature de la première semaine ?
Le soutien ça réjouit, on travaille fort donc forcément ça fait plaisir. Mais aucun stress, je savais que mon public allait être au rendez-vous, ils ont toujours été là.
Comment ça se passe une séance studio avec Lacrim?
J’ai encore le bracelet donc c’était de longues séances studio où on passait le maximum de temps possible à peaufiner les morceaux.
Avec quels producteurs as-tu travaillé ?
Avec DJ Bellek, Double X mais aussi Charlie Charles, entre autres. J’ai fait appel à de nouveaux producteurs principalement car j’avais envie de quelque chose de nouveau tout en restant fidèle à mon univers.
Combien de tracks avais-tu préparé avant de faire ta sélection ?
On a tout enregistré en un mois et demi à ma sortie de prison. Je suis archi satisfait de chaque piste. On a fait ça bien, propre, carré, on n’a pas perdu un seul morceau, tout ce qui a été enregistré est dans l’album.
Tu as réalisé un rêve d’enfant pour beaucoup de tes auditeurs en étant le premier artiste français à réellement avoir des featurings d’artistes étrangers notamment avec une exposition internationale – comprendre US, de qualité. Enfin on a le sentiment que ces artistes te respectent musicalement, et humainement en acceptant notamment de clipper avec toi. On sent une vraie solidarité dans l’écurie Def Jam, en plus d’une concurrence saine entre les artistes. Quand on connait ton univers musical, on sait que ce qui peut être une prise de risque pour certains représente la norme chez toi qui a un univers musical riche et toujours ouvert. Une diversité que l’on retrouve une fois de plus sur l’album Force et Honneur. Autant l’album est rue et sombre, autant on y retrouve une touche plus festive avec des sons qu’on qualifie de sons d’été avec définitivement un coté Reggeaton : Histoire de et Dolce Vita. C’est une influence qui commence à devenir ton habitude et qui a fait des émules puisque de nombreux autres artistes s’y essayent.
Tu sais, moi j’écoute de tout. Le matin en me réveillant, j’écoute Gims alors les influences je les prends toutes. Et le Reggaeton j’adore ça, ce sont des sons d’été comme tu dis, on a besoin de ça, même moi je vais les écouter cet été et faire la fête dessus. Par exemple, j’écoute beaucoup de Soul et ça me plairait de pouvoir bien adapter une instru comme il faut pour de la Soul bientôt. Tout est possible honnêtement.
Également, peux-tu nous parler de Solitaire, qui pour le coup n’est pas un son rap mais clairement Raï, c’est un morceau lancinant, mélancolique. Une ode à l’Algérie, ton pays.
C’est un morceau qui me tient à cœur, de par la manière qu’on l’a fait, c’est du jamais vu dans le rap français. À la grosse différence justement qu’on ne voulait pas faire un morceau Raï’n’B, mais faire un vrai morceau de Raï et un vrai morceau de Rap. C’est mélancolique et festif en même temps. Je sais que ça va faire plaisir à mon public en Algérie.
[Algérie] Où tu es beaucoup écouté justement.
Je sais c’est un public de fou là-bas, et je sais que le son va tourner et que cet été on va le jouer. Tu sais c’est le genre de son où tout le monde va connaître les paroles donc tout le monde va chanter. Ça va être bon, même pour moi on va se faire plaisir.
J’aimerais aussi revenir en particulier sur le son Dolce Vita qui s’inscrit dans cette diversité musicale. L’instru est celle de Figli di Papa, de l’artiste Italien Sfera ebbasta (également signé chez Def Jam).
Exactement, comme tu dis c’est un son de Sfera, donc j’ai appelé Charlie Charles, on est entrés en contact et ça s’est fait directement et super simplement. Le morceau est une tuerie, j’avais envie d’en faire une version et j’adore le travail de Sfera Ebbasta donc c’était que du plaisir.
Sur le morceau Tristi, tu es en featuring avec l’artiste Milanais Ghali (Rapper Italien d’origine Tunisienne). Parle-nous de la connexion entre vos univers musicaux qui collent si bien ?
Ghali j’avais écouté un peu avant. Ça a été la claque et quand je l’ai rencontré ça a été encore plus fort ! C’est un génie musicalement, c’est incroyable. Tu sais lui en Italie et en Tunisie c’est une superstar. Sérieusement j’encourage tout le monde à regarder son travail.
Ce sont des morceaux que l’on pourrait clipper comme ils ne sont pas loin ?
C’est possible, en effet. (Rires)
En 2014 tu n’as pas pu faire ton show au Québec. Quand est ce que ton public peut espérer t’avoir en concert avec Inter-Peura à Montréal ?
Le public au Québec, c’est un public que j’adore que j’aimerais revenir voir, on a été tellement bien accueillis à Montréal la dernière fois qu’on a hâte d’y retourner. C’est la douane qui a pas voulu nous laisser passer quand on est revenu… Mais tu sais, là j’ai encore le bracelet mais dès qu’on va l’enlever on va retenter c’est sûr.
À Montréal tu es très écouté, j’aimerais te faire écouter Enima qui est l’un nouveaux artistes les plus influents à l’heure actuelle. (On joue un extrait de Enima : Intro), Quel regard portes tu sur les rappeurs que tu as influencé aujourd’hui ?
C’est bon ça ! Je connais le rap Québécois mais lui je ne connaissais pas. Tu sais d’ailleurs, petite exclu, j’ai un featuring avec un artiste montréalais, je ne peux pas t’en dire plus parce que c’est pas encore sorti chez lui et c’est sur son projet, mais c’est du très très lourd. Après, vis à vis des influences, honnêtement ça fait plaisir, mais il faut pour qu’un artiste soit accompli, qu’il développe son propre style.
J’aimerais évoquer avec toi la situation d’un artiste devenu maintenant incontournable, dont on te doit en partie l’exposition qu’il a aujourd’hui : je veux évidemment parler de SCH (en featuring sur la track Laissez-les). Comment s’est passé le featuring ? Qu’en est-il de votre relation ? Est-ce qu’un album commun à la manière de Travis Scott et Quavo est envisagé ?
Ça ne bouge pas, c’est la famille. SCH, c’est on s’appelle, tu fais quoi aujourd’hui, on s’capte … On se voit tout le temps. Là, on bosse sur son projet. Après un album en commun ? J’avoue t’es un malin, tout est possible (rires).
Tout est possible, même une série promotionnelle pour ton album ! Je pense que ça a mis tout le monde d’accord, mais que ça a aussi renforcé ton statut de pionnier en marquant le coup en mode : Lacrim c’est quelqu’un qui fait, pas quelqu’un qui dit, car c’était inattendu. Une saison deux ou un long métrage, ça serait possible ?
Effectivement le concept de la série « Force et Honneur » était de réaliser un genre de clip mais en plus long tu vois, au lieu de donner des clips de 4 minutes on te donne un épisode de 12 minutes. Et évidemment on est archi content du succès que ça a, et ouais t’inquiètes il y a beaucoup de choses qui vont se passer. On voit plus loin.
Rockfeller est sûrement l’un des sons les plus froids que j’ai entendu dernièrement. Tu m’as fait éclater de rire sur certaines punchlines. Le morceau Tupac est également très street, et on se demande si tu ne vise pas quelqu’un en particulier ?
Je te jure, je ne vise personne. Mais je vois ce que tu veux dire et tu sais, les vrais, on les reconnait à l’oreille en une seconde. Ça s’entend si tu n’as pas vécu ce que tu dis. Et si tu n’as pas vécu, honnêtement on va avoir du mal à te considérer… On ne vise personne, mais j’entends ce qui se fait, on me dit…
À la première écoute de 20 bouteilles produit par Double X, on sent qu’il va faire un carton et qu’il va devenir l’hymne de gars qui font la hala en boite. T’as été l’un des précurseurs du rap de rue qui a sa place en club. Un style qui a fait des émules jusqu’à générer des monstres. Quelle est la place de ce style de rap dans ta discographie ?
Clairement, le mec qui vient dépenser et prendre des bouteilles en concert pour me voir on est pareils lui et moi. C’est quelque chose que je comprends. Et comme tu dis, ouais j’ai mon public, je veux pouvoir écouter mes sons en club. Mais de toute façon, ça tourne tout seul. Regarde tu as écouté le feat avec Booba j’imagine.
Oh bah oui ! D’ailleurs comment ça s’est passé ?
(Rires) Bah voilà, clairement c’est un son rap de rue club et on sait qu’il va tourner quoi qu’il arrive en club. Et pourtant il est trap, rue tu vois ? Mais notre public de cible aime ça aussi. Et pour répondre à ta question, je l’ai appelé pour l’inviter sur mon album et il a tout de suite accepté, et ça s’est fait aussi simplement que ça, parce que c’était le bon moment.
Tu es sans doute l’artiste qui reçoit le plus de soutien de la part de tous les artistes Rap Français à l’heure actuelle. Quel effet ça te fait de voir Kaaris afficher son soutient sur IG ?
Ça me fait super plaisir, ça fait chaud au cœur. Kaaris on est arrivés ensemble, on s’est faits tout seul. Tu sais pour moi la musique c’est du partage et ça doit être une source de bonheur. On a assez de problèmes dehors pour vouloir commencer à s’occuper des problèmes des autres. J’ai fait des featurings avec tous et j’en referais si Dieu m’en donne l’occasion. Ce qui est sûr c’est que tu ne me verras jamais rentrer dans les histoires du game.
Tu prends aussi la casquette de producteur avec la création de ton label Plata o Plomo. Parle-nous des artistes que tu vas mettre en avant et notamment de Walid et sur les sons La cour des grands et Histoire de. C’est une mise en marche assez inédite que d’offrir une track à un artiste sur son album, mais ça devrait être payant. Parle-nous de ces artistes, que peut-on espérer de Plata o Plomo ?
La casquette de producteur comme tu dis, ça fait partie du projet depuis le début. Et c’est un projet sur lequel j’avais envie d’avancer depuis longtemps. Plata o Plomo arrive très vite ! Concernant Walid et A:M, j’avais des pistes en plus je voulais les laisser s’exprimer, les morceaux sont solides et ils ont parfaitement leur place dans l’album, tout le monde est gagnant. Moi je profite de mon exposition pour donner de la force à ces artistes. Et en plus ils sont mortels. Walid a 15 ans, c’est un artiste que j’espère suivre longtemps et que vous allez découvrir, il y a des choses très lourdes qui vont arriver.
Un dernier mot. Ce sont les élections bientôt, un message pour les jeunes ?
Il faut voter c’est important. Même si c’est voter pour faire barrage. Aujourd’hui on vote parce qu’on est contre et j’espère qu’un jour on va voter pour le candidat et non contre. Ça sera dans un futur proche, faut se concentrer sur l’instant, c’est le plus important, c’est ce que c’est.
Merci à toi et Force pour l’album.
Merci à toi aussi poto et à bientôt à Montréal.