Par Alvin Gereral
Le mois dernier Georgio nous délivrait son deuxième album “Héra”. Un projet particulièrement bien reçu par la critique, à travers lequel l’artiste a su renouveler son style et proposer une nouvelle facette de sa personnalité. Fort d’une maturité accrue et d’un goût repris à la vie, Georgio n’hésite pas à aborder des enjeux de société et des thèmes personnels. Entrevue vérité pour l’artiste donc, qui parlera de lui et de son rapport à son nouveau projet, avec fierté, mais sans tabou.
- Salut Georgio, nous sommes très heureux de te recevoir en entrevue pour Inter-Peura !
Merci à tous, c’est un plaisir partagé !
- Sans plus attendre, revenons sur ton choix de producteurs pour cet album. Pourrais-tu nous expliquer en détail comment cela s’est fait ?
Pour cet album, j’ai travaillé avec plusieurs producteurs à savoir Angelo qui a largement assuré la production puisqu’il a fait 70 % des titres, mais il y a également Diaby et Medellin qui travaillent respectivement avec moi depuis “Bleu Noir” et “Mon Prisme”.
J’ai contacté Angelo pour faire “Hera” car j’avais la volonté de travailler avec lui. Il m’accompagnait en studio à part sur les trois morceaux de Medellin (Brule, L’or de sa vapeur rouge, La terre je la dévore) qui ont été enregistrés au studio de Medellin.
La particularité de travailler avec Angelo est la facilité de compréhension, nos deux univers se mariaient à merveille donc on pouvait échanger sur tout.
Parfois je faisait aussi un peu le chef d’orchestre et je lui disais ce que je voulais changer dans une instru.
- Quelles ont été tes sources d’influences pour écrire cet album? En combien de temps l’as-tu écrit ?
J’ai écrit l’album en 6 mois et il a été enregistré en deux-trois mois… Mais si on colle toutes les séances bout-à-bout, le tout a été enregistré sur 10 jours en studio en Juin.
Après avoir quitté Paris, Angelo et moi sommes repassés sur la musique.
- Dans quel état d’esprit as-tu écrit cet album?
Dans une envie de combat, d’espoir, d’aller de l’avant, de croire en l’Homme avec un grand H.
- Dans un titre, tu écris sur ta désillusion vis-à-vis des politiques. Tu dis « Face à tes discours on a baissé les bras, tes promesses on n’y croit plus”… Que penses tu de l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la France, lui qui est supposé incarner cet espoir de changement?
Selon moi tout s’est passé comme prévu, on a tous voté contre quelqu’un et non pour une personne en particulier. Moi je ne crois en personne. Regardes par exemple son gouvernement: c’est une nouvelle enculerie. Je t’avoue je my connais pas trop en politique et cela ne m’a jamais vraiment intéressé donc je ne suis pas le meilleur pour parler de ça… Mais bon, ça fait pas rêver. Ma politique à moi c’est celle de l’engagement dans ce en quoi on croit; dans ce que l’on a envie de faire. Le fait d’essayer de vivre dans la société actuelle de sa passion; en soit, c’est un engagement.
- Il y a un côté rap rock dans tes textes, qui s’inscrit dans la grande tradition de la musique française avec une belle plume, c’est un style assez rare. Et on peux dire que c’est très bien réalisé, le produit de ce qu’on fait possible le mieux dans ton style.
Mes influences viennent autant de Mobb Deep, Flynt en passant par Feu ! Chatterton, Bashung. Essentiellement du Rap français, du rock anglais et de la chanson française, c’est vraiment très varié. J’aime beaucoup le côté folk aussi, j’écoute du Leonard Cohen. J’essaie de faire une musique au carrefour de toute mes influences et qui me représente vraiment.
- Dans “Ici-bas” tu dis : « Si vous croisez mon ex moi, vous pouvez l’étrangler » Comme tu le sais, la dernière fois que je t’ai vu c’était aux Carrières de Meudon avant que tu sois connu. Qu’est ce qui a changé depuis cette époque ?
J’ai grandi, j’ai évolué, mais je parle surtout de ces périodes de déprime, de doute, d’envie de rien faire, de remise en question. De ces périodes durant lesquelles je ne croyais pas trop en moi. Ma philosophie de vie a bien évolué, même si je reste toujours le même épicurien : j’aime faire la fête et sortir avec mes amis.
- Dans “l’espoir meurt en dernier” tu dis : « Mama Lova Papa Lov’ je dois presque tout à mes parents, y’a trop d’amour et c’est flagrant”. Quel est ton rapport avec ta famille? Est ce que tu as des frères et soeurs ? Est ce que tu considères tes auditeurs comme des frères et soeurs ?
Clairement. Moi j’ai un petit frère avec lequel j’ai trois ans d’écart. Il a vingt ans et il est en centre de formation; il fait ses études présentement, donc il n’est pas sur Paris. Mon père habite en Afrique, ma mère habite sur Paris. Je les vois rarement, mais ils sont importants dans la construction de mon cheminement, je me sens proche d’eux. Ma musique me sert de médium pour communiquer avec eux. Même si je suis parti assez tôt de chez moi. Je les considère comme mes amis et ma famille aussi. Comme mes auditeurs, je les considère comme ma famille et mes amis proches, ma musique s’adresse directement à eux et pas du tout de manière condescendante puisque j’ai un public de tous les âges.
- C’est un album engagé à certains égards. Tu propose un sursaut de réalité à tes auditeurs. Certains titres comme “No future”, m’ont rappelé des titres du groupe Puzzle qui est également du 18ème arrondissement Parisien (mais qui n’est plus actif) et dont L’oncle Ben est issu avant de se lancer en carrière solo comme « J’veux changer » (Puzzle). L’homme moderne et L’homme post-moderne (Le vrai Ben aussi connu sous le nom de Benjamin Paulin). Les violences conjugales sont un thème que tu abordes. C’est rare dans la musique alors que c’est malheureusement beaucoup trop courant. Tu envoies un message de force et de courage aux femmes qui en sont victimes, et tu t’adresse également aux victimes « indirectes » qui sont les enfants. Pourquoi avoir fait ce choix de thème ?
J’ai un profond désir de parler des hommes de l’ombre, des prostituées, des femmes battues, de la dépression, de tous ces sujets hyper tabous dont personne ne parle, mais, c’est instinctif, tu vois… Ce n’est pas calculé.
C’est aussi à certains points, sans doute le choix de ma réalité, du monde qui m’entoure, celle de mon quartier, de mes proches… Mon inspiration c’est la vie, au sens large.
- Et enfin, tu as un public qui t’écoutes et te suit ici depuis tes débuts, quand est ce que tu viens a Montréal ?
On se voit à Montréal pour les Francofolies le 10 Juin.