Chroniquer le projet d’un rappeur que l’on apprend à connaître sur le – très – tard est un exercice périlleux. Mais je ne suis pas plume à refuser le challenge. Pour relever le défi, il faut savoir faire de ses lacunes, une arme. Dans ce cas, et tout bien considéré, ma méconnaissance du passé de l’Artiste m’offre une concentration plus robuste sur le disque qui nous intéresse aujourd’hui, seulement le disque…
Un album déconcertant…
Et dire que l’écoute de ce nouveau projet de Jok’Air, intitulé Jok’Rambo, m’a déboussolé, relève de l’euphémisme ! À l’image du titre Mon Survet, premier morceau du rappeur que j’ai découvert, je m’attendais à un produit fantasque, bourré d’attitude et qui kick de bout en bout. Mais l’album que je vous dépeins aujourd’hui, s’il n’est pas celui que j’avais imaginé, ne manque pas de caractère et de qualités. Et comme je suis un adepte de la métaphore, j’aime le comparer à une véritable pochette surprise ! Vous savez, de celles que l’on achetait lorsque nous étions enfants avec une ribambelle de jouets différents à l’intérieur… Tendez la main ou, dans le cas présent, l’oreille, et retirez-en plusieurs cadeaux de différentes couleurs et textures.
Les bonnes surprises du disque :
Pour filer la métaphore, je donc tiré du sac quelques morceaux qui m’ont vraiment remué. Je pense au banger Mon Survet, évidemment, fou, bondissant qui donnera aux fans de Nike les plus dévoués (dont je fais partie) l’envie de s’acheter un tracksuit Adidas. Une intensité et un potentiel tubesque que l’on avait pas entendu, à mon humble avis, depuis le Réseaux de Niska. La même efficacité, la même contagion. Un mot aussi sur son clip saugrenu qui me donne l’impression que Jok’Air n’est pas un rappeur français mais bel et bien américain, quelque part entre l’hérésie d’un ODB et l’attitude d’un Chief Keef.
Je pense à Le Club Brûle, un vrai hit trap avec son refrain en gang-vocal. Je garde l’excellent Kenan & Kel, avec son beat minimaliste, urgent, délicatement pianoté. Une recette qui, dans le passé, a construit le succès de collectifs légendaires comme La Mafia Trece. Je garde l’incroyable Daddy en duo avec la chanteuse pop Lili Poe et le groupe Madame Monsieur. Une pièce synth-pop diablement catchy à l’esprit rétro avec cette petite voix féminine très mutine et cette impression très agréable d’un crossover avec l’univers sucré d’un Myth Syzer. Encore une fois, rap et chanson française montrent qu’ils sont de bons amis et que leur compatibilité artistique est solide !
Dans un registre plus chanté, je prends TSN et son textuel percutant, chargé d’histoire et de douleur. À ces mots gonflés de sens, Jok’Air, en street-crooner oppose un timbre de voix très léger, presque liquide. Un dissonance qui, remarquable paradoxe, donne encore plus de sentiments, de puissance et de musicalité au morceau. Toujours dans la catégorie “chansons”, si toutefois le terme est adéquat, j’apprécie beaucoup la langueur de certains morceaux comme “Cambrure” ou le très personnel et brillant “Au Secours”.
Concluons…
Si ce recueil, plus chanté que rappé, est évidemment perfectible, comme tout œuvre l’est au fond, parce que parfois trop homogène dans sa technique de chant, le disque révèle de vrais qualités et s’impose comme une succession de très bonnes surprises. Une agréable goût d’inattendu et une fraîcheur bienvenue en ces temps de canicule.