Avec plusieurs dizaines de milliers de vues en quelques semaines pour ses morceaux, et notamment l’excellent « Error #4 », et un univers très sombre et très affirmé, le rappeur français 404Billy fait figure de sensation cette année dans le registre. Nous avons voulu en savoir un peu plus lui, sur sa façon d’écrire, sur le caractère très brut de ses mots et sur son projet Hostile, déjà disponible. L’artiste a répondu à nos questions…
Salut 404Billy ! Tout d’abord, merci de répondre à nos questions, comment vas-tu ?
Moi ça va et vous ? Merci à vous.
Si « 404 Billy » devait entrer dans le dictionnaire et que l’on te demandait d’en écrire la définition, quelle serait-elle?
Ce terme représenterait une philosophie sombre de la vie et de l’humanité. En tous cas quelque chose de pas très joyeux.
Jusqu’ici, es-tu satisfait des retours, des réactions presse et public sur la sortie de ton projet « Hostile » ?
Oui, très satisfait ! Les gens ont bien compris le message du projet, la philosophie, la façon de penser. Je n’ai eu que des bons retours, et je pense que les gens qui n’ont pas aimé ont quand même eu du respect pour le travail effectué.
Si je te demandais d’imaginer un contexte d’écoute parfait pour ton disque, pour saisir parfaitement son ambiance, ses messages ?
Je dirais : dans ta chambre le soir, ou alors dans un bus, tard la nuit. Je pense qu’Hostile peut s’écouter partout, il n’y a pas vraiment de lieu. Mais tout seul chez soi reste le meilleur lieu pour bien comprendre les lyrics, parce que chaque phrase à un sens.
« Mon album sera d’un autre niveau, ce ne sera pas travaillé de la même façon ! »
Il est fréquent qu’un journaliste cite plusieurs autres rappeurs et fasse des comparaisons quand il chronique un disque. J’ai interviewé beaucoup d’artistes qui n’aiment pas qu’on les compare à tel ou tel autre chanteur. Quelle est ta position là-dessus ? Est-ce que tu es à l’aise avec la comparaison en général ?
Je suis à l’aise avec la comparaison, on m’a déjà comparé à tout le monde de toute façon. Et en plus, on m’a comparé à des artistes qui n’avaient strictement rien à voir les uns avec les autres. Je pense que, tout de suite, quand tu arrives, les gens veulent te trouver une référence, quelqu’un à qui te comparer. J’ai l’impression que, même avant d’avoir écouter ton morceau, ils ne se disent pas : « on va voir si son morceau est bien » mais : « à qui il va ressembler celui-là encore ». Mais ça, ce n’est que quand tu es rookie. Quand tu es bien installé, c’est à toi que vont être comparés les petits nouveaux. Il faut accepter d’être un petit nouveau et savoir passer par là !
Le nom de ton projet me fait penser à une ancienne compilation rap (ndlr : « Hostile : une spéciale pour les halls ») sur laquelle figuraient beaucoup de rappeurs français. Est-ce que tu penses qu’il est encore possible de rassembler une vingtaine de emcees aujourd’hui sur un seul disque en pleine époque des clashs et de l’egotrip ?
Oui. Les clashs ne concernent pas tout le rap français. Après, est-ce que l’ego des rappeurs aujourd’hui le permettrait ? Je ne suis pas sûr. Et puis je ne pense pas que les gens soient encore intéressés par le fait d’avoir une tonne de feats. Ils préfèrent écouter le projet d’un seul artiste à la fois, pour pouvoir rentrer dans son univers. Ou à la rigueur, un projet commun.
D’ailleurs, ton projet, faut-il l’appeler Mixtape, EP, mini-album ou autre chose ?
Moi, je l’appelle « projet », c’est tout ! Je l’ai travaillé, mais mon album sera d’un autre niveau, ce ne sera pas travaillé de la même façon. Donc ce n’est pas un album, ce n’est même pas une mixtape, le mot « projet » lui va bien.
« Je ne suis qu’un homme, j’ai 23 ans, ma vie est sombre et l’a toujours été… »
Ton style, textuellement et graphiquement, est très marqué avec toujours cette ambiance très sombre. Est-ce que c’est un registre qui définit ton rap ou est-ce que juste le reflet de tes émotions du moment ?
Je pars du principe que je ne suis qu’un homme, j’ai 23 ans, ma vie est sombre et l’a toujours été. Mais si dans 5-10 ans, ou même 2 ans, je suis sorti de la merde et que mes émotions ne sont plus les mêmes, peut-être que ma musique changera. Je ne peux pas avoir l’assurance de dire que je vais être sombre toute ma carrière. Mais je ferais toujours en sorte de faire de la musique de qualité, sombre ou pas. Je ne ferais jamais quelque chose qui est forcé pour vendre ou me faire aimer par une partie du public. Si je le fais, c’est que cela m’inspire. Mais j’évoluerai et proposerai des choses différentes, c’est sûr. Heureusement d’ailleurs, sinon ça voudrait dire que je stagne.
Est-ce qu’il est plus facile pour un rappeur d’écrire un couplet lorsqu’on est triste ou énervé ?
Je ne sais pas, j’essaye toujours de mettre l’émotion de côté quand j’écris parce que cela emmène énormément de contradictions, même si nous sommes tous obligés d’en avoir. Un homme énervé ne dira pas la même chose qu’un homme triste et vice versa. C’est pour cela que j’essaye d’être le plus neutre possible quand j’écris.
« On ne retient que les choses qui choquent dans le bon ou le mauvais sens. Dans « American History X », le film peut durer 1h45 mais tu retiens la scène où le noir se fait éclater la gueule sur le trottoir. Mon rap, c’est pareil ! »
« Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » à écrit Youssoupha. Quel est ton avis là-dessus ? Te considères-tu comme un rappeur engagé ?
Non, pas du tout. Je ramène juste ma philosophie. Un rappeur engagé a la prétention qu’il peut faire bouger les choses. Moi, pas du tout ! Je rapporte juste ma vision du monde et de l’être humain, c’est mon constat. Je ne pense pas que mes quelques rimes changeront le monde. Je propose mes oeuvres, c’est tout. Mais si des gens peuvent trouver de la spiritualité dedans, alors c’est cool.
Les mots ou les images que tu utilises dans ton rap sont très forts, très bruts et c’est ce qui te singularise aussi des autres rappeurs français en ce moment. Est-ce que c’est important pour toi de ne pas te censurer pour faire passer correctement tes messages ?
Les messages se transmettent plus facilement avec des choses qui choquent. On ne retient que les choses qui choquent dans le bon ou le mauvais sens. Dans « American History X », le film peut durer 1h45 mais tu retiens la scène où le noir se fait éclater la gueule sur le trottoir. Mon rap, c’est pareil ! Ce sont des images et des phrases chocs que tu vas retenir, c’est ça l’art. Que ce soit le cinéma, la musique ou autre, tout ce qui crée un choc est plus susceptible de traverser le temps.
Quels sont les artistes ou chansons que tu écoutes le plus en ce moment ?
Je n’écoute pas beaucoup de rap. Mais en rap, j’écoute Buddy, Kendrick, le dernier album de Kanye West.
« Si demain tu ressembles à 404Billy mais que tu ramènes ta touche, quelque chose en plus qui fait que ce n’est pas tout à fait la même chose, alors c’est tout à ton honneur… »
Quand on est un rappeur qui fédère et qui fait des vues comme toi, peut-on encore être « fan » d’un autre rappeur ou se laisser influencer musicalement ?
Bien sûr. Tu peux être fan sans oublier que c’est une compétition. Aux États-Unis, Kendrick est encore fan de Jay-Z. Tant que tu copies pas et que tu as ta propre identité, c’est cool. Je n’ai rien contre l’inspiration, si tu ramènes ta touche. Si demain tu ressembles à 404Billy mais que tu ramènes ta touche, quelque chose en plus qui fait que ce n’est pas tout à fait la même chose, alors c’est tout à ton honneur. Mais si tu fais du copier-coller, tu n’iras nulle part et tu n’arriveras jamais à trouver tes propres fans. Et tu seras toujours un « sous » quelqu’un.
Les québécois sont très fans de rap français. Est-ce qu’on aura la chance de te voir préformer à Montréal bientôt ?
Si l’occasion se présente, bien sûr ! J’aime beaucoup Montréal, il faut que j’y aille absolument ! J’ai quelques contacts là-bas et j’aime beaucoup la mentalité…
Merci 404Billy, je te laisse le mot de la fin…
Merci à vous pour cette interview très intéressante, restez connectés pour la suite, et continuez d’écouter « Hostile ». Force à vous !
Merci à 404Billy pour sa gentillesse et sa disponibilité !